les intérieurs

la marge

Les intérieurs_ Benoît Gomez-Kaine-9

l'intime

L'une des deux maisons squattées a été rebaptisée "la maison des punks". Les habitants y ont installé un sleeping pour heberger les gens de passage.

le collectif

Les intérieurs_ Benoît Gomez-Kaine-8
Les intérieurs_ Benoît Gomez-Kaine-2

le temporaire

Entre 2018 et 2020 j’ai mèné un travail dans la métropole de Lyon au sujet des logements squattés. Lieu d’expression d’une forme de marginalité, le squat cristallise les problématiques liées au mal logement. Le recours à cette forme d’habitat, qu’il soit choisi ou subi, met en évidence une difficulté croissante de l’accès aux formes légales de logement. D’après la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier) le prix du loyer dans la métropole enregistre une hausse d’environ 10 % chaque année. Cette tendance à la hausse s’observe au cours des dix dernières années depuis la crise de 2008. Jugée positive par Alexandre Schmidt, président de la FNAIM, cette explosion des prix de l’immobilier a néanmoins des conséquences dramatiques sur les personnes aux revenus modestes, fragilisées par une perte du pouvoir d’achat.

En 2020, selon le rapport annuel de la fondation Abbé Pierre, quatre millions de personnes souffrent de mal logement ou d’absence de logement en France. Le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 50 % entre 2001 et 2012. Selon le même rapport, 50 enfants sont hébergés la nuit dans des écoles avec leurs parents à Lyon, Vaulx-en-Velin et Villeurbanne à la fin de l’année 2019. Dans notre société riche et pourtant excluante, le squat est un produit du mal logement.

En France, lorsqu’une personne établit domicile depuis plus de 48h dans un bâtiment abandonné, il ne peut y avoir expulsion sans décision du tribunal. Passé ce délai, la machine judiciaire est en route et les occupants peuvent s’installer pour quelques mois de répit. Cet article du code pénal protégeant les habitants en situation de précarité est néanmoins régulièrement enfreint par les forces de l’ordre. Exclus du logement et du droit commun, les habitants développent une forme bien spécifique d’habitat, fruit de l’auto-organisation dans la précarité. Mon travail, porte sur ces formes d’appropriation de l’espace.


Cette série m’a amené à prendre en compte l’importance du récit que l’on se raconte collectivement dans un lieu de vie. Les murs sont un espace de narration et cette narration fait le lien entre les habitants. Le lieu fait ainsi récit. Je définis le récit comme la représentation de l’espace dans lequel vit le collectif, il crée un ensemble de projections sur le monde.

J’ai souvent été saisi par la richesse et la diversité des relations qui se créent dans ces espaces, dans le meilleur et dans le pire. Comme si le temps à l’extérieur du squat, perçu comme plus lent, plus doux, plus monotone peut être, n’avait pas la même emprise dedans que dehors. Comme s’il avait un impact plus riche mais aussi plus dur sur cette micro-société. Cela tient de la fiction que construisent  collectivement les habitants. Ce récit, façonné à la marge, alimente la représentation d’un monde scindé entre l’intérieur (le squat) et l’extérieur (la société). Les formes que je photographie font partie du récit, elles l’entretiennent en même temps qu’elles en sont le fruit.